Au Bénin, trois enfants sur dix, soit 1,1 millions d’enfants souffrent de malnutrition chronique et plus d’un tiers des enfants âgés de moins de cinq ans présentent un retard de croissance malgré les progrès réalisés par le pays sur le plan sanitaire. Cette situation freine le développement humain et ralentit les retombées positives tant attendues du dividende démographique. Pour relever le défi de la malnutrition, il urge de replacer la nutrition au cœur du développement durable.
Treize (13) février 2024 au Centre Hospitalier Départemental du Borgou, à Parakou, la métropole du nord Bénin. Il est environ 18 heures, lorsque Fènou, un Bébé âgé de six mois rend l’âme. Deuxième d’une famille de quatre enfants, le bébé, victime d’une malnutrition chronique passe de vie à trépas, après une semaine de souffrance, plongeant ses parents dans la détresse. Fènou n’est pas un cas isolé. Comme lui, des milliers d’enfants sont victimes chaque année de malnutrition. Selon le Plan National de Développement (PND 2018-2025), le Bénin enregistre 45% des cas de décès des enfants de moins de cinq ans dus à un déficit alimentaire. Les statistiques de l’enquête démographique et de santé (EDS-2017-2018) révèlent que trois enfants sur dix, soit 1,1 millions d’enfants souffrent de malnutrition chronique et plus d’un tiers des enfants âgés de moins de cinq ans présentent un retard de croissance. La même source renseigne que l’espérance de vie des béninois est estimée à 62 ans en moyenne et un nouveau-né sur 10 meurt avant l’âge de 5 ans. Elle précise également qu’un enfant a deux chances sur trois d’atteindre l’âge de 62 ans et environ 7 enfants de 6 à 59 mois sur 10 sont anémiés. Définie comme un mauvais état nutritionnel dû à une alimentation mal équilibrée ou mal adaptée à un individu ou à une population, la malnutrition constitue le plus grand facteur de risque de mortalité et de morbidité chez les jeunes enfants au Bénin. Selon les explications de Mme Jeannine Agbo Monlemey Lawani, Cheffe de division promotion nutrition et surveillance de l’état notionnel à la Direction de la Santé de la Mère et de l’Enfant (DSME), la malnutrition compromet non seulement les chances de survie de l’enfant, accroît sa disposition à tomber malade mais réduit aussi ses capacités d’apprentissage, augmente la probabilité de décrochage scolaire et compromet son avenir productif. « Les dommages de la malnutrition sur le développement cérébral chez l’enfant et sa productivité sont irréversibles » a insisté la spécialiste. La vulnérabilité économique des ménages, leur exposition à la hausse des prix des denrées alimentaires, la persistance des maladies infectieuses, le manque d’éducation et de sensibilisation à la santé, ainsi que les inégalités dans les soins de santé sont entre autres les facteurs clés de ce fléau qui compromet les efforts de la capture du dividende démographique. Evoquant le lien entre la capture du dividende démographique et la malnutrition, l’expert en dividende démographique, Florent Dossou Hounhouénou, soutient que la croissance économique et le développement socio-économique ont un impact direct sur la santé et l’espérance de vie des individus et appelle à une synergie d’actions fortes pour un mieux-être de tous les béninois. Pour inverser la tendance, le gouvernement définit et met en œuvre des politiques et stratégies pour lutter contre la malnutrition sous toutes ses formes aux fins de réduire la mortalité des enfants et celle des mères. Ceci dans le but de faire de la jeunesse un capital humain de qualité pouvant participer pleinement au développement durable du pays. Au nombre des documents de mise en œuvre de ces stratégie, il y a le projet régional dénommé « Autonomisation des femmes et dividende démographique au sahel », (SWEDD financé par la Banque Mondiale. Présent au Bénin depuis le 08 mars 2019, ce programme, a, grâce à sa sous composante1.2 avec le sous-projet « compétences de vie et santé de la reproduction » qui est la composante la plus sensible pour la capture du dividende démographique, permis d’augmenter le taux de fréquentation des services de santé qui était de 38% seulement au plan national en 2020 selon l’annuaire statistique de la même année. Ceci à travers l’amélioration des plateaux techniques des centres de santé appuyés ; le renforcement de la disponibilité des produits de santé reproductive maternelle néonatale infantile et nutritionnelle, l’augmentation de la qualité et la quantité des ressources humaines. Cependant, des défis persistent dans les zones reculées et rurales où les infrastructures de santé sont encore limitées.
La contraception un allié sûr pour capturer le DD…
Les indicateurs de la santé de la reproduction ne sont pas des plus reluisants. Il ressort en effet, un niveau de fécondité élevé. Selon l’étude MICS 2021-2022 par exemple, l’indice synthétique de fécondité est de 4,7 enfants par femme ; 77 pour mille des femmes âgées de 15 à 19 ans ont déjà commencé leur vie procréative et les besoins non satisfaits en PF dans cette tranche d’âge sont estimés à 31,4 %. Cependant les pesanteurs socio-culturels, la réticence des hommes, le manque d’information des communautés et la faible implication des autorités municipales et locales sont, entre autres des facteurs qui limitent l’utilisation des services de la santé de la reproduction. Avec ce tableau sombre, de nombreuses filles non mariées mais sexuellement actives risquent également de tomber enceintes sans pouvoir répondre efficacement aux besoins de nutritions de la femme enceinte et plus tard du nouveau-né. « La plupart des adolescentes mères sont mal nourries pendant la grossesse et mettent au monde des enfants malades perpétuant ainsi le cercle vicieux de la malnutrition d’une génération à l’autre. Par contre les mères éduquées et plus autonomes ont des enfants mieux nourris » a affirmé Dr Edith Djènontin Kotchofa, chef service santé de la reproduction et planification familiale au ministère de la santé. La contraception étant l’une des stratégies les plus puissantes et les plus économiques d’habilitation des femmes et d’amélioration de la qualité de leur vie et de l’espérance de vie, il est nécessaire pour les ménages de soutenir l’accès des adolescents et jeunes filles (AJF) à la contraception. Mieux, retarder la maternité permettra à ces jeunes femmes d’achever leurs études ou leur formation, de se préparer à entrer dans la population active, d’apporter des revenus au ménage et participer pleinement au développement de sa nation à partir du niveau communautaire. Pour que la population béninoise soit en bonne santé, bien nourrie et productive, Il est donc important pour le Gouvernement et tous les acteurs œuvrant pour la survie du couple mère enfant de soutenir les efforts du projet SWEDD-Bénin en augmentant l’accès à des aliments nutritifs et diversifiés mais aussi à de l’eau salubre. Il urge aussi pour ces acteurs de promouvoir l’allaitement maternel exclusif au cours des six premiers mois de vie mais également une alimentation saine pour les nouveau-nés et les jeunes enfants en ciblant les enfants de moins de 3 ans, car, prioritairement tout se joue pendant la gestation et au cours des deux premières années de la vie.